La courbe du nombre de chômeurs n'a pas été, comme on le sait et malgré les contorsions de l'exécutif, inversée. Celle du nombre de bénéficiaires des minima sociaux ne semble pas prête de l'être non plus. Selon les derniers chiffres publiés, entre septembre 2012 et septembre 2013, les allocataires du RSA ont connu une augmentation de leur nombre. À cette date, 2,25 millions de foyers étaient destinataires du revenu de solidarité active. Cela représente une progression de 7,4 % sur douze mois. La Caisse nationale des allocations familiales qui fait le point estime qu'une faible partie (0,7 point sur 7,4) est liée à la revalorisation exceptionnelle du montant du RSA intervenue en septembre dernier.
Mais qui sont exactement ces bénéficiaires du principal revenu de solidarité ? Sur la base de données établies à fin 2012, la Cnaf s'est livrée à un travail de catégorisation. Qui aboutit à dégager quatre grands groupes d'allocataires (1) aux caractéristiques fort différentes.
Le premier groupe (15 %) se caractérise par un âge réduit (moins de 30 ans 4 fois sur 5) et par un niveau de diplôme largement plus élevé que la moyenne des allocataires. Plus de la moitié d'entre eux sont, en effet, des diplômés de l'enseignement supérieur (contre 17 % parmi l'ensemble des allocataires). Pas de problèmes culturels pour cette population, mais en revanche des obstacles à l'insertion sociale ! Les membres de ce groupe sont ainsi deux fois plus souvent hébergés par un tiers. Souvent sans enfant, ils se déclarent très largement ouverts à la mobilité géographique. D'une certaine manière, la situation de ces personnes est celle qui suscite le moins d'inquiétudes : leur statut d'allocataire du RSA a toutes les chances d'être temporaire, une fois qu'un pied sera mis dans le monde du travail.
Les choses se corsent avec le second groupe qui, numériquement, est le plus important (35 % des effectifs). Il s'agit de chômeurs de longue durée qui basculent souvent dans les statistiques du RSA après avoir épuisé leurs indemnités de chômage. Ce groupe se distingue par la forte proportion d'hommes (75 % contre 49 % en moyenne) et par des conditions d'habitat qui ressemblent à celles de la population française. Ces personnes indiquent une possibilité de mobilité géographique relativement élevée (environ 2 sur 3).
Troisième groupe (21 % de la population) : des personnes rencontrant des obstacles importants à la recherche d'emploi. Ce sont quasiment exclusivement des femmes qui, 7 fois sur 10, subissent des situations d'isolement, souvent avec des enfants à charge. Le recours au RSA est très souvent lié à un changement de situation, rupture familiale ou chômage. On ne sera pas surpris d'apprendre (les études se multipliant sur ce point) que ces femmes rencontrent des problèmes de garde d'enfant et sont handicapées par une faculté à être mobiles assez réduite.
Enfin, le dernier groupe (18 % de la population) est confronté surtout à des problématiques de grande précarité. À l'inverse du premier groupe, celui-ci se caractérise par un âge assez avancé (46 % ont plus de 55 ans) et par des difficultés de vie quotidienne : santé, maîtrise de la langue française… Un quart de ses membres n'a même jamais travaillé. Du fait de leur handicap, cette population est, comme la précédente, peu disposée à la mobilité géographique.
On l'aura compris : difficile de faire un portrait-robot de l'allocataire du RSA. Ces profils si différenciés en termes de qualification, d'âge, de contraintes personnelles conduisent à s'interroger sur le type d'accompagnement social proposé à des publics aussi différents. Sont-ils suffisamment individualisés pour tenir compte de cette donnée ? Cette question mériterait assurément d'être abordée lors du prochain comité interministériel de lutte contre la pauvreté prévu ce 24 janvier.
(1) La Cnaf distingue également un 5e groupe (11 % des effectifs), mais si peu renseigné qu'il ne présente pas de vraie cohérence.